5e dimanche de carême – 29 mars
Chers amis,
Chers Frères et sœurs,
Nous voilà à notre deuxième dimanche sans messe paroissiale, sans possibilité pour vous de pouvoir vous rendre dans une église pour y vivre le rassemblement dominical et la communion eucharistique qui manque tant à ceux qui ont le désir de s’unir à Jésus sacramentellement présent dans la sainte hostie.
Je voudrais avoir une pensée et une prière toutes particulières pour tous ceux qui sont malades chez eux ou dont l’état de santé a nécessité une hospitalisation, mais aussi pour ceux qui nous ont quittés cette semaine.
Aujourd’hui, je vais tour à tour m’arrêter sur l’ensemble des 4 extraits bibliques qui nous sont proposés :
La 1ère lecture est tirée du chapitre 37 du livre d'Ezéchiel. Pour la comprendre il convient que vous preniez juste 2 mn pour lire le début du chapitre. Le prophète a une vision : il est devant un charnier à ciel ouvert. Il voit une immense étendue d'ossements desséchés et comprend qu'ils représentent toute la maison d’Israël dont le moral est au plus bas. « Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus ! »
C’est exactement ce qui se passe pour un certain nombre de concitoyens en cette période de confinement : beaucoup de nos relations se sont asséchées, certains liens se distendent : tout contact physique avec un voisin peut être suspect, la proximité même d’un visage devient une menace, les petits-enfants si chéris par leurs grands-parents sont maintenant de potentiels porteurs de mort : « Seigneur, notre espérance est détruite, nous sommes perdus ! »
Mais Dieu n’abandonne pas son peuple. Il invite le prophète à invoquer le St Esprit.
- Voici alors que par le Souffle Créateur Divin, les ossements retrouvent leurs principes vitaux, ils ne sont plus des éléments épars et désarticulés d’un ancien corps humain démembré, ils se recouvrent de nerfs, de chair et de peau et se mettent à revivre : la moelle épinière, les sels minéraux, les matières organiques reprennent leurs fonctions.
- Puis dans un 2e temps, toujours sous l’action de l’Esprit Saint, les os se rapprochent et des nerfs, des ligaments ainsi que la chair repoussent.
Enfin dans un troisième temps, sous l’action de l’Esprit Saint, les créatures humaines sont reconstituées, elles se dressent sur leurs pieds, mais elles lancent ce cri vers le ciel : « Notre espérance est détruite, nous sommes perdus ! »
Ne trouvez-vous pas étrange, que cette armée immense dont parle Ezéchiel lance un tel cri de désespoir ? Ce cri nous rappelle que l'on peut être mort, même avant de mourir et cela, de deux manières au moins :
- La mort spirituelle à cause du péché : « celui qui n’aime pas, reste dans la mort » nous dit St Jean
- Et « la mort du cœur », cette mort psychologique liée à l’absence totale d'énergie, d'espérance, d'envie de lutter et de vivre, quand on est au bord du gouffre, en pleine dépression, avec des pensées suicidaires.
Mais voici que Dieu intervient pour donner ce supplément d’âme qui manque en faisant cette magnifique promesse : « Je vais ouvrir vos tombeaux et Je vous en ferai sortir... Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ». Frères et sœurs, comment ne pas y voir quelques similitudes avec la situation que nous vivons. Nous étions nous aussi, de par le stress, lié à un mode de vie desséchant. Par nos activités individualistes et égoïstes, notre société nous fait aussi ressembler à des ossements desséchés sans lien vraiment réel, durable et vivifiant les uns avec les autres. Mais Dieu ne veut pas que nous restions dans les différentes formes de mort que je viens d’évoquer plus haut. Il nous appelle à L’implorer, à crier vers Lui comme le fait le psalmiste :
« Des profondeurs je crie vers Toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! » (Psaume 129/130, 1-2)
Et s’il y a peut-être des personnes qui ne peuvent plus prier ou ne savent plus prier, soyons leurs porte-paroles, soyons des intercesseurs ! Demandons pour elles l’Esprit Saint de Dieu. C’est le conseil que l’apôtre Paul nous donne dans la 2e lecture. L’espérance nous viendra du don de Dieu qu’est l’Esprit Saint car Il est comme une sève qui, si elle coule en nous, nous donne le vaccin contre les différentes formes de mort que j’ai évoquées plus haut. Et c’est ainsi par l’Esprit Créateur que nous aurons accès à la vie éternelle :
« L’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts
donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Romains 8, 10-11)
« Je vais ouvrir vos tombeaux et Je vous en ferai sortir... Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » nous dit Dieu par la voix du prophète Ezéchiel. Quelle promesse ! Et la voilà qui s’accomplit avec Lazare. Cet homme, grand ami de Jésus, est typiquement la figure de notre humanité qui a besoin de sortir de son tombeau :
- notre humanité qui a besoin de se laisser appeler à la lumière,
- d’être déliée de ses attaches matérialistes, de ses bandelettes d’égoïsme,
- notre humanité qui a besoin d’une voix qui l’appelle à sortir d’elle-même, de ses enfermements, pour reprendre sens à la vie et le comprendre afin qu’elle puisse donner de la vie.
Nous aussi, devant le tombeau de notre société, devant la pierre tombale de notre cœur nous avons à entendre la voix du Christ qui nous : « Sors dehors, viens à la lumière ». Je voudrais terminer mon propos par une citation du pape François :
« Ne nous laissons pas emprisonner par la tentation de rester seuls et découragés à pleurer sur nous-mêmes pour ce qui nous arrive ; ne cédons pas à la logique inutile et peu concluante de la peur, à nous répéter, résignés, que tout va mal et que rien n’est plus comme autrefois. C’est l’atmosphère du tombeau ; le Seigneur désire au contraire ouvrir la voie de la vie, celle de la rencontre avec Lui, de la confiance en Lui, de la résurrection du cœur, la voie du « Lève-toi ! Lève-toi, viens dehors ! » Voilà ce que le Seigneur nous demande et il est à nos côtés pour le faire ».
Enfin frères et sœurs, si nous avons l’impression de ne rien pouvoir offrir spirituellement à celui qui ne croit pas, nous pouvons souffrir avec qui souffre, pleurer avec qui pleure (Rm 12,15). Avant d'annoncer la résurrection et la vie, devant le deuil des sœurs de Lazare, Jésus « pleura » (Jn 11, 35). En ce moment, souffrir et pleurer, en particulier, avec nos frères et sœurs dans la peine ou l’angoisse, c’est aussi leur dire que nous sommes à leur côté.
Dieu vous bénisse !