4e samedi de carême – 28 mars 2020
Chers amis
Chers Frères et sœurs,
En ce 4e samedi de carême, je voudrais m’attarder avec vous sur l’épisode très surprenant que st Jean l’évangéliste nous raconte (Jn 7, 40-53).Alors que les membres du Grand Conseil se disputent sur la véritable identité de Jésus, les gardes chargés de l’arrêter reviennent comme des chasseurs ou des pêcheurs bredouilles. Celui qu’ils pensaient ramener sous bonne escorte a eu des paroles si surprenantes et si touchantes qu’elles ont traversé la cuirasse de leur cœur et sont venues percuter leur conscience. Voici leurs paroles :« Les gardes revinrent auprès des grands prêtres et des pharisiens, qui leur demandèrent :« Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? »Les gardes répondirent : « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! »Les pharisiens leur répliquèrent :« Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ? » (Jean 7, 45-47)
Il est fort probable que parmi ceux qui me lisent ou m’écoutent certains lecteurs ou auditeurs découvrent ce passage. Nous ne l’entendons qu’une fois dans l’année, le 4e samedi de carême et comme il n’y a que très rarement la messe du samedi matin, nous passons à côté de cette petite anecdote qui pourtant en dit long sur la personnalité de Jésus et la puissance de son attraction. Jésus en effet parlait avec simplicité. Sa parole était agréable, opportune et positive. Il choisissait les comparaisons, les images et les paraboles les plus appropriées pour ses auditeurs :
- Le grain de blé qui doit mourir pour donner du fruit
- La parabole du Fils prodigue pour manifester la miséricorde de Dieu, etc.
Les foules cherchaient Jésus pour l’écouter et très souvent il fallait les renvoyer pour qu’elles s’en aillent. Mais une chose était l’élégance de son discours, une autre était le rayonnement de sa personne, sa douceur, son humilité, sa bonté et la simplicité avec laquelle il parlait de Dieu son Père. Très certainement, de la même façon qu’un jour les disciples ont voulu apprendre à prier en le voyant revenir de sa prière (Luc 11, 1-4), les gens qui l’écoutaient et ici en l’occurrence les soldats ont ressenti l’émotion qui transparaissait sur son visage, quand il prononçait le Nom de son Père qui est dans les cieux. Il est fort probable que les paroles de Jésus leur ont fait découvrir le meilleur d’eux-mêmes, des choses qu’ils ignoraient jusqu’à ce jour. Comment arrêter alors celui qui parle de façon si directe à la conscience, celui qui relève, fait vivre, grandir et marcher ?
Quelques heures seulement avant son arrestation, Jésus dit à ses disciples : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, (…) et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Quand vous me demanderez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai.(…)
Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous »(Jean, 14, 12 – 16).
En lien avec ce passage, je voudrais pour parler d’un homme qui m’a beaucoup marqué il y a 20 ans de cela : le cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan. J’ai eu la chance de l’écouter lors des Journées mondiales de la Jeunesse, en l’an 2000 à Rome.
Né le 17 avril 1928, il est ordonné prêtre à 25 ans. A 49 ans il est nommé évêque d’un petit diocèse du Vietnam. Mais lorsque le pape le nomme archevêque coadjuteur de Saïgon en 1975, la police l’arrête aussitôt ! Il passe 13 ans en prison, dont 9 en isolement. Au moment de son arrestation, il n’a pas le temps de faire sa valise. Le lendemain toutefois, on lui permet de faire une petite liste de ce dont il a besoin. Feignant un mal d’estomac, il demande du vin pour médicament. Ses fidèles comprennent tout de suite et lui font parvenir une petite bouteille de vin de messe, et des hosties cachées dans une torche. Ainsi, chaque jour, avec 3 gouttes de vin et une goutte d’eau dans la paume de la main, il célèbre la messe.
Dans ce camp, il y a chaque semaine une séance d’endoctrinement. « Avec mes coreligionnaires, nous profitions des pauses pour glisser un sachet, dans lequel il y avait des parcelles d’hosties, à chacun des quatre autres groupes de détenus : ils savaient tous que Jésus était parmi eux. La nuit, nous nous relayions pour l’adoration. Jésus Eucharistie s’imposait de par sa présence silencieuse : de nombreux chrétiens recouvraient la ferveur de la foi. Leur témoignage de service et d’amour avait un impact grandissant sur les autres prisonniers. Si irrésistible était l’amour de Jésus, que des bouddhistes et d’autres non-chrétiens se convertissaient, cédant le pas à une transformation des ténèbres de la prison en lumière pascale : et pendant ce temps, la semence a germé silencieusement sous terre, dans l’obscurité, durant la tempête. La prison s’est transformée en école de catéchisme. Les catholiques baptisaient leurs compagnons, et en devenaient les parrains ».
C’est ainsi que Mgr Van Thuan sut vivre dans la joie du Christ ressuscité, dans le pardon, dans l’amour et dans l’unité, même face à des difficultés presque insupportables. Cette attitude provoqua tour à tour la conversion de ses gardiens, si bien que l’administration pénitentiaire décida de ne plus les changer pour éviter que d’autres ne se convertissent.
Frères et sœurs, si nous nous sentons en prison, rappelons-nous les paroles du pape saint Jean-Paul II à propos de Mgr Van Thuan :
« Témoin de la croix durant ses longues années d’emprisonnement au Vietnam, il nous a renforcés dans cette certitude consolante selon laquelle, lorsque tout s’écroule autour de nous, et même en nous, le Christ est notre support indéfectible. »
Puissions-nous en ces moments difficiles rayonner de notre foi, de notre paix et de notre joie auprès de ceux qui nous entourent et qui comptent sur notre soutien. Dieu vous bénisse.