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Homélie du jeudi saint

Jeudi saint

Frères et sœurs, c’est une messe très particulière que je célèbre ce soir pour vous en communion de prière avec tous les prêtres du diocèse. Certains la célébreront chez eux, d’autres dans une sacristie ou dans une de leur église paroissiale, sûrs et certains, qu’à travers cette Eucharistie, c’est Jésus lui-même qui continue d’aimer ce monde, de le porter et de le sauver. Le jeudi saint est un des rares offices où, en dehors de certaines grandes fêtes, je revêts la chasuble de ma 1ère messe, offerte par mes parents. Vous y voyez sur la face ventrale, les symboles de l’Eucharistie représentés par le calice et l’hostie.

Le jeudi saint est le jour dit « des prêtres ». Jésus en effet, en instituant l’Eucharistie, a également institué le sacerdoce. A chaque messe, nous avons l’habitude de débuter par la reconnaissance de nos péchés pour en demander le pardon à Notre Seigneur. Depuis quelques années, j’ai pris l’habitude moi-aussi, ce jour-là de vous demander publiquement pardon pour mes propres péchés, pour vous signifier que je reconnais aussi que par moment, j’ai pu être à votre égard : pénible, impatient, trop sûr de moi, agaçant, etc…

En regardant dans vos rétroviseurs, les douze derniers mois écoulés, vous vous êtes probablement dits qu’en matière de péchés des membres de l’Eglise, lesprêtres, les curés et même certains évêques, vous en ont fait voir. C’était parfois si nauséeux qu’un climat de suspicion planait et plane peut-être encore à l’égard duclergéau seinde l’Eglise et à l’extérieur de l’Eglise.

Si le 1er effet du covid-19 a été de nous obliger à nous confiner, un des nombreux autres effets est qu’il nousa obligés à une réactivité pastorale incroyable à laquelle nous ne sommes peut-être plus très habitués. Il y a à peine trois ans de cela, nous pensions axer notre réflexion diocésaine sur la place et le devenir de la jeunessedans l’Eglise. A cause des abus commis par des clercs, il nous a fallu laisser ce chantier de côté et réfléchir sur un code de bonne conduite pour prévenir ces déviances. Nous pensions être arrivés au bout de ce processus de réflexion, quand avec l’épidémie que nous subissons, il nous a fallu trouver des solutions, jours après jours, semaines après semaines pour garder le lien entre nous et faire vivre les différents secteurs de la paroisse : les enfants, les adolescents et les familles et les adultes en général. D’ici peu de temps, il faudra déjà que nous commencions à nous poser des questions sur l’après-confinement. Jamais en entrant au Grand séminaire en 1988 et en 24 ans de prêtrise, je ne pensais être affrontés à de tels défis !

Mais comme le prophète Jérémie (3, 22), j’ose affirmer que « Grâce à l’amour du Seigneur, nous ne sommes pas anéantis ; ses tendresses ne s’épuisent pas ;elles se renouvellent chaque matin, – oui, Seigneur ta fidélité surabonde » et je réentends pour moi cette phrase dite à st Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse » (2e Corinthiens, 12, 9)

Ce soir frères et sœurs, nous sommes invités à suivre le Maître, avec son tablier de serviteur, et à regarder Jésus se mettant à genoux devant chacun de ses disciples. Comme lui qui passe de Jean à Judas le traître en n’oubliant aucun des 10 autres, il nous faudra, avec nos humbles moyens mettre nos pas dans ceux du Christ pour, nous aussi,laver et panser les pieds de tous ceux et celles qui auront souffert directement ou indirectement du coronavirus avec ses effets collatéraux physiques, psychologiques ou moraux. Je pense :

  • Au surmenage des couples qui tout en étant astreints au télétravail doivent également assurer l’école à la maison, et qui ne doivent pas oublier de s’occuper d’eux-mêmes, de se parler et de prendre soin de leur couple.
  • A la promiscuité qui entraine la hausse des violences conjugales et familiales
  • Aux ravages de certaines addictions comme la drogue, l’alcool, le tabagisme, la pornographie, les jeux en ligne qui rendent esclave
  • A la souffrance des familles liée à l’impossibilité de visiter leurs ainés confinés dans les Ehpad et dont certains sont morts dans le plus grand isolement,
  • A la peur de l’autre : conjoint, enfant, petits-enfants, voisins, collègues, nous tous, qui devenons des contaminateurs potentiels
  • A l’impossibilité de poser un geste d’affection, une caresse ou une marque de tendresse même entre proches

Pour expliquer la portée du geste que Jésus va faire ce soir-là au cours du dernier repas, Saint Jean l’introduit par une phrase explicative : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour Lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ».

L’expression grecque « jusqu’au bout » a plusieurs interprétations possibles : jusqu’à la fin, jusqu’à la mort, jusqu’à l’excès. Dans l’idée de Jean, l’amour de Jésus est un amour excessif.

Comment ne pas penser à toutes ces personnes qui, tout en étant croyantes, pratiquantes, athées, agnostiques, ou partageant juste quelques valeurs fondamentales se retrouvent actuellement dans l’attitude du Christ serviteur et lavent symboliquement les pieds de leurs patients, des malades, des mourants, des familles ou d’un proche collègue, d’un administré, d’une personne handicapée, d’un clochard, d’un migrant :

  • Par leur sens de l’écoute et leurs paroles rassurantes
  • Par des gardes à rallonge, par des remplacements au travail
  • Par le souci d’accompagner le plus dignement possible, les personnes en fin de vie, etc…
  • Par leur disponibilité, leurs conseils et leur sourire,
  • Par les petits gestes d’entraide concernant des courses à faire, une lettre à poster, un dépannage quelconque, une invitation à la prière, etc…

En 1905, lorsque fut votée la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’Eglise souffrit beaucoup et fut profondément humiliée. Ce n’est que 13 ans plus tard qu’elle sortit grandie par l’incroyable présence spirituelle et humaine des prêtres, religieux, séminaristes qui décidèrent de s’enrôler dans l’armée afin d’être aux plus proches de leurs frères d’armes pour partager pleinement leurs conditions quotidiennes dans la tourmente de la 1ère Guerre mondiale.

Nous voilà 100 ans plus tard. La configuration a certes changé mais l’Eglise se retrouve à nouveau bien pauvre et humiliée. En cette période de confinement, je prie pour que l’Esprit Saint donne à chacun d’entre nous : à vous baptisés, à moi prêtre, de savoir nous agenouiller devant les pieds de toute personne en souffrance, même de ceux qui nous ont un jour profondément humiliés ou blessés, afin que par la charité répandue dans nos cœurs, Dieu puisse répandre ses consolations sur tous ceux et celles qui souffrent.

« Si donc moi, le Seigneur et le Maître,je vous ai lavé les pieds,
vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi,
comme j’ai fait pour vous. » (Jean 13, 14-15)

Avant de nous quitter, je voudrais vous rappeler que selon la tradition bien établie dans certaines paroisses, il y a la possibilité de s’unir à tous ceux et celles qui ont accepté d’assurer un temps de prière d’une demi-heure ou d’une heure chez eux et qui porteront l’Eglise, ses prêtres, le Peuple de Dieu tout entier ainsique notre pays et le monde dans leur prière. Une vidéo est mise en ligne pour vous aider en ce sens.

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